Crédit image : Gusmano Cesaretti, Chaz Running, East Los Angeles, 1973.

Mente et malleo

Éditorial par Guillaume Desanges

Comme pour conjurer la fatalité climatique, au Palais de Tokyo nous croyons encore aux saisons, en tâchant de bien les distinguer les unes des autres. L’été 2023 est ainsi l’occasion de découvrir trois artistes et une exposition collective qui, dans leur fertile diversité, partagent de nombreuses affinités. L’exposition de Laura Lamiel déplie l’univers sensible et sensuel de cette magnifique et trop rare artiste, dont les installations, sculptures, peintures, dessins, films et agencements subtils d’objets dévoilent autant qu’ils cachent. En écho, le duo mountaincutters présente des « situations matérielles », elles aussi non résolues, entre sculptures, objets fonctionnels, prothèses ou appendices mécaniques. La pratique artisanale de Marie-Claire Messouma Manlanbien, de son côté, fait cohabiter les cultures dans un syncrétisme formel, cousant littéralement les unes aux autres des références spirituelles, symboliques, végétales et humaines. Enfin, venant à la fois clore et prolonger le projet « Lasco», qui accueillait depuis 10 ans l’art urbain dans les espaces dérobés du Palais de Tokyo, « La morsure des termites » élargit la vision du graffiti, créant des liens entre histoire officielle de l’art et culture de la rue, avec des incursions vers les sphères de l’intime, du politique et du social.

Ces différentes pratiques du « faire » manifestent toutes des attentions particulières à des matériaux investis de potentialités énergétiques, psychiques, réparatrices, culturelles ou cultuelles. Elles créent des formes indatables, voire intemporelles, qui convoquent dans un même élan modernisme et archéologie, froideur industrielle et fièvre magique, signe archaïque et poésie contemporaine. Ces manières de déjouer les catégories admises de l’art, d’aborder le cours de l’histoire à rebrousse-poil, de naviguer de manière fluide entre les genres, les esthétiques et les styles placent cette saison estivale sous le sceau rafraîchissant du geste originel, de l’exploration souterraine et de la simplicité comme force.

Dans une logique d’adaptation des espaces aux nécessités sociales et environnementales, ce «Palais d’été» modifie l’usage du bâtiment et le parcours de visite, en lien avec les conditions météorologiques de la saison estivale, proposant par là même de nouvelles approches sensibles, décalées et inattendues, qui ne sont pas sans liens avec les formes qui y sont présentées. Cette saison est aussi l’occasion de lancer la première édition de la Friche, un nouvel espace de travail, de réflexion, de production et d’accalmie pour créateurs et créatrices qui sera publiquement visible à partir d’octobre 2023.

Un bel été à toutes et tous, visiteurs, visiteuses, artistes, équipes et à l’ensemble des usagers et usagères de l’espace d’un Palais de Tokyo plus que jamais ouvert aux mondes.