Sarah Maldoror : cinéma tricontinental est la première exposition rétrospective consacrée à l’œuvre de Sarah Maldoror (1929-2020). Elle est l’occasion de faire découvrir l’œuvre cinématographique, mais aussi théâtrale, poétique et politique, d’une cinéaste à la production foisonnante, alternant fiction et documentaire, au service d’un cinéma révolutionnaire et décolonial, résolument anti-raciste et irrévérencieux. Française née dans le Gers d’un père guadeloupéen, considérée comme pionnière du cinéma africain engagée dans les luttes de libération des pays de l’Afrique lusophone (Angola et Guinée-Bissau), mais attachée aux poètes de la Caraïbe francophone (Césaire, Damas, Glissant), Sarah Maldoror joue de ces labels, tout comme son œuvre défie les frontières géographiques et de genres. Conçue comme un paysage de films qui superpose les histoires et les géographies, l’exposition revient sur les villes traversées par Sarah Maldoror – Paris, Moscou, Conakry, Alger, Fort-de-France ou Saint-Denis. Elle rend compte des dialogues que Sarah Maldoror a entretenu avec des figures intellectuelles, artistiques et politiques telles que Mario Pinto de Andrade, Aimé Césaire, Marguerite Duras, Jean Genet, Chris Marker ou William Klein, tout en créant de nouvelles conversations avec des artistes contemporain·e·s (Mathieu Kleyebe Abonnenc, Melvin Edwards, Ana Mercedes Hoyos, Kapwani Kiwanga, Maya Mihindou, Chloé Quenum, Maud Sulter et Soñ Gweha (anciennement Anna Tje)) et en rendant compte du travail et de l’engagement d’artistes qui, comme Mathieu Kleyebe Abonnenc, ont contribué à faire connaître le travail de Sarah Maldoror au-delà du monde du cinéma.
L’exposition explore également les difficultés que celle-ci a rencontré pour faire reconnaître son travail, le faire financer et le diffuser. Dès lors se dessine un parcours non-linéaire, rempli de « manques » (des projets non réalisés ou perdus) et de productions hétérogènes qui raconte en filigrane une certaine histoire de la production cinématographique de la seconde moitié du 20e siècle. L’exposition mêle ainsi son œuvre et son parcours de vie en tant que cinéaste, femme et mère, animée d’une nécessité politique de prendre la caméra autant que d’un besoin économique de filmer. À la fois recherche poétique et outil de lutte, le cinéma de Sarah Maldoror doit être regardé à l’aune de courants de pensées qui ont rythmé le XXe siècle – et trouvent de nouveaux échos aujourd’hui – tels que le Surréalisme, la Négritude, le Panafricanisme et le Communisme. Une des constances de son œuvre est l’antiracisme, qu’elle déploie à l’image par un travail d’écriture, de cadrage et de montage, dirigeant son regard sur l’absurdité des discours sur lesquels se fondent le racisme (Un Dessert pour Constance, 1979), mais aussi et beaucoup par l’emploi du portrait, à la fois d’artistes et poètes noirs (de Léon Gontran-Damas à Toto Bissainthe ou Wifredo Lam), mais aussi de femmes noires travailleuses en France (filmées notamment pour l’émission de télévision Mosaïques dans les années 1980). Sarah Maldoror : cinéma tricontinental permet enfin de rendre compte de l’engagement profond de Sarah Maldoror pour la poésie, le théâtre, la musique et les arts visuels. Son nom – qu’elle emprunte aux Chants de Maldoror (1868) du Comte de Lautréamont – l’inscrit dans une filiation littéraire qui détermine sa participation à la troupe de théâtre des Griots (la première compagnie en France d’actrices et acteurs noirs, qu’elle a contribué à fonder en 1956), et ses collaborations avec l’Art Ensemble de Chicago, le saxophoniste Archie Shepp, le poète Louis Aragon, l’artiste Ana Mercedes Hoyos ou encore les écrivains Luandino Vieira, Maurice Pons et François Maspero, parmi tant d’autres.
Afin de déplier ces relations, l’exposition se divise en deux espaces contigus : d’une part une scénographie associant les films de Sarah Maldoror, aux extraits desquels sont associés un réseau de correspondances entre documents et peintures, installations, photographies et sculptures, tandis que l’artiste Maya Mihindou déploie une grande fresque peinte qui rêve la vie de Sarah Maldoror. Une salle de cinéma, enfin, accueille un programme de films, de prises de parole et de performances. L’exposition se prolonge au sein de trois institutions parisiennes et franciliennes, afin de décliner la cinégéographie de Sarah Maldoror : au Musée de l’Homme, au Musée de l’Histoire de l’Immigration ainsi qu’au Musée d’Art et d’Histoire Paul Eluard de Saint-Denis, par le biais de projections de films en continu et l’augmentation de certains récits par la présentation d’archives et la programmation d’événements. L’exposition Sarah Maldoror : cinéma tricontinental se prolonge au sein d’un journal gratuit, de format tabloïd, dirigé par Cédric Fauq et François Piron, conçu par Julie Héneault (Espace Ness) et coordonné par Clément Raveu. Il rassemble un ensemble de documents visuels et textuels collectés au fil de la recherche sur cette exposition, permettant d’approfondir la biographie et la filmographie de la cinéaste, et les contextes dans lesquels elle a évolué, sur lesquels revient un entretien inédit avec les filles de Sarah Maldoror, Annouchka de Andrade et Henda Ducados. Le journal rassemble également une documentation sur les projets des artistes invité·es à l’exposition, notamment un texte écrit par l’artiste Maya Mihindou, biographie rêvée de Sarah Maldoror.
Artistes : Mathieu Kleyebe Abonnenc, Kapwani Kiwanga, Maya Mihindou, Chloé Quenum, Soñ Gweha (anciennement Anna Tje), ainsi que les oeuvres et documents de Melvin Edwards, Jean Genet, Ana Mercedes Hoyos, Wifredo Lam, Chris Marker, Maud Sulter, Luandino Vieira
Commissaires d’exposition : Cédric Fauq & François Piron
Assistant curatorial : Clément Raveu