Définie au XVIIIe siècle comme « le premier, le plus utile, le plus étendu, et peut-être le plus essentiel des arts1 », l’agriculture anime aujourd’hui le travail d’Hélène Bertin, comme elle prolonge ses recherches et ses œuvres antérieures. Hélène Bertin et l’artiste et futur vigneron César Chevalier, invité pour l’occasion, composent une partie de l’exposition à quatre mains et se font les passeur·ses parmi d’autres de savoir-faire et d’égards portés à la pratique viticole.
La première partie de l’exposition déploie un récit au sein d’une architecture horticole, où des plantes nourricières sont cultivées à l’aide d’outils fabriqués à la main, et où les visiteur·euses deviennent les pollinisateur·ices de cette mise en espace. Aussi bien chercheuse et historienne que sculptrice, Hélène Bertin réunit les outils d’un jardinier de la forêt, une serre datant du XIXe siècle et un ensemble d’anatomies de végétaux encore utilisés dans l’enseignement universitaire de la botanique. En regard de ces agrandissements de fleurs, des fruits imaginaires réalisés en porcelaine « mûrie » à la cuisson au bois, dans un four noborigama, courent dans une serre telles des plantes grimpantes.
« Couper le vent en trois » est une exposition qui fait la part belle à l’expérimentation joyeuse, à l’ouvrage collectif et à la sensibilité nourrie par l’apprentissage dans les domaines perméables de l’art et de l’agriculture. Inspiré d’une expression perdue, son titre porte en lui l’idée d’un geste fougueux et magique, tels les gestes à l’origine de ce projet et ceux qui le prolongeront.
Appartenant à un maraîcher voisin de l’artiste, la serre accueillera par la suite, et en dehors du centre d’art, des événements culturels et des temps d’apprentissage sur le vivant. La seconde partie de l’exposition est le prolongement d’un travail en duo initié il y a plusieurs années. Ensemble, Hélène Bertin et César Chevalier s’immergent dans le travail nécessaire à la fabrication de vin et interrogent avec professionnel·les et amateur·rices les liens qui unissent la terre, les goûts, les micro-organismes et les manières de composer avec le temps et avec des environnements. L’installation présentée est une étape de leur cheminement où se rencontrent le fruit de leur vinification, des outils sculptés et des récits de vendanges ou d’ivresse. Les artistes assemblent des processus et des formes qui témoignent d’une attention à l’ouvrage invisible des levures, à la polyphonie des savoirs agricoles et aux croyances qui les accompagnent. Ils publient également à l’occasion de l’exposition l’ouvrage Jacques Néauport, le dilettante avec la revue LeRouge&leBlanc, et partagent ainsi les connaissances et les réflexions de l’une des figures de proue du vin nature.
Commissaire Adélaïde Blanc