Le travail d’Eva Medin se fonde sur un parcours multidisciplinaire, fusionnant arts de la scène et arts visuels, cinéma et théâtralité. L’artiste interroge régulièrement la notion de prototopie évoquée par le théoricien Yannick Rumpala, c’est-à-dire une réflexion dépassant utopie et dystopie pour ouvrir un espace de possibles. Si Eva Medin use de fiction, de science-fiction, elle entend en observer le potentiel émancipateur pour composer des récits de recréation du monde.
Les aubes chimériques fait suite au Prix décerné par les Amis du Palais de Tokyo, dont Eva Medin a été lauréate en 2020. L’artiste y réinvestit la relation entre différents archétypes issus de récits d’anticipation et de croyances animistes. Elle nous plonge dans un paysage envisagé comme la formalisation d’un temps et d’un espace reflétant un état d’esprit, pour reprendre J. G. Ballard.
L’intention scénographique et l’emploi de matériaux empruntés aux trucages cinématographiques composent ici un tableau polyphonique : engagé dans cette immersion, le public s’enfonce dans les strates d’une histoire géologique fictionnelle, et devient, par contamination, une entité parmi celles peuplant l’espace d’exposition.
Pour cette exposition, la puissance du sublime en tant que plaisir mêlé d’effroi appelle à une reconstitution de la conscience du monde, une tentative pour se relocaliser et reprendre pied sur Terre. Composite, à la fois végétal et architecture, règne rudéral et nouvel âge du métal, fluctuant sans jamais se couler définitivement dans aucune condition, chacune des chimères présentées ici ouvre à une reliaison du physique à l’immatériel, de la Terre au cosmos. En revisitant les imaginaires de la mutation et de la métamorphose, Eva Medin propose des représentations autres, entrelaçant corps et sculpture, terrestre et sacré, passé et futur. Si un monde nouveau était appelé à naître, quelles seraient les formes de vie fondamentale qui pourraient y apparaître ?
Avec le soutien de la Galerie Liusa Wang (Paris).
Commissaire Jean-Christophe Arcos