« Sensible », la nouvelle saison du Palais de Tokyo, s’ouvre sur des mouvements incertains : ceux de l’action combinée des eaux et des vents. Tout commence par une balise maritime suspendue au-dessus des visiteurs sans qu’ils ne puissent anticiper sa trajectoire. Elle est ce que le mathématicien Henri Poincaré nommait « la sensibilité aux conditions initiales » : les mouvements imprévisibles entraînés par l’introduction d’une modification infime dans un système chaotique. C’est cette matière instable que travaillent les
artistes présentés dans cette saison. Theaster Gates, Angelica Mesiti, Julien Creuzet, Louis- Cyprien Rials, Julius von Bismarck et Franck Scurti. Tous portent une attention particulière aux mouvements : dans les histoires sociales, les migrations, les héritages culturels ou bien dans le déracinement et la transposition des signes et des gestes du quotidien. Ils nous montrent que dans un monde chaotique, la mise en contact de différentes cultures produit des mouvements imprévisibles. C’est ce que le poète Edouard Glissant évoquait dans l’idée de créolisation, un métissage d’arts et de langages créateur d’inattendu, « une suite d’étonnantes résolutions dont la maxime fluide se dirait : Je change, par échanger avec l’autre, sans me perdre pourtant ni me dénaturer. Il nous faut l’accorder souvent, l’offrir toujours ». Etre sensible, c’est changer au contact de l’autre, mettre en relation les imaginaires du monde, produire les devenirs imprévisibles de nos destins mélangés.