Parler de joie, aujourd’hui ? Alors que les actualités évoquent souvent menaces, inquiétudes, morosité ? Parler de collectif, alors que l’humeur générale parait favoriser certains individualismes et replis sur soi, masquant les élans positifs et solidarités nouvelles à l’œuvre dans de nombreuses sphères de la société ?
C’est bien à partir de cette réalité que nous revendiquons aujourd’hui, au Palais de Tokyo, ce sous-titre que nous donnons à toute une saison déclinée en une exposition collective, des expositions de Rammellzee et Raphaël Barontini, un projet iconographique, un magazine ainsi qu’une dense programmation culturelle faisant la part belle au spectacle vivant. La joie collective non pas comme déni ou parenthèse enchantée, non pas comme une suspension de la lucidité, mais comme une résistance consciente, active, à l’ordre dépressif du monde. Un remède autant qu’un outil. Un engagement et une protection. Mais aussi une occasion de connecter la création contemporaine avec des formes en dehors des stricts canons de l’art, en navigant vers d’autres rives esthétiques, d’autres « genres », en convoquant d’autres images.
La joie collective a une histoire aussi longue et profonde que celle de l’art. Elle serait même séminale, congénitale à l’acte créatif. Comme l’explique Barbara Ehrenreich dans son livre Dancing in the Streets. A History of Collective Joy, c’est par des pratiques non virtuoses, participatives et jubilatoires qu’a démarré l’expression artistique, avant que l’institutionnalisation du spectacle comme discipline ne sépare artiste et public, en cantonnant ce dernier à un rôle de regardeur passif.
Nous espérons que cette liberté joyeuse des formes sera donc partagée, contagieuse, débordante, prouvant qu’elle est elle-même d’une actualité brûlante, autrement dit urgente, nécessaire et vitale.