Introspective plus que rétrospective, Vous les entendez ?1 présente, à travers un ensemble de pièces existantes et de nouvelles productions, les différentes facettes de son travail : des peintures aux installations en passant par la photographie, la vidéo et son prolifique travail de dessin. Parcourue de voix invisibles et de silences électriques, elle résonne au niveau jardin du bâtiment sous la forme d’un paysage à arpenter dans une pénombre troublée par la blancheur des sources lumineuses émanant des œuvres elles- mêmes. Dans ses installations jouant d’opacités et transparences et de confrontations entre des contraires, l’acier émaillé, le cuivre, le coton, le verre, l’encre rouge, le tissu, le miroir, le métal s’électrisent alors au contact d’objets accumulés et d’éléments de mobilier.
Conçue comme une installation globale en dialogue avec l’architecture, Vous les entendez ? témoigne de la relation que l’artiste entretient avec l’espace, qu’il s’agisse de celui de l’exposition ou de celui du travail. Ponctué de pièces disséminées dans la totalité du niveau du jardin du Palais de Tokyo, le parcours conduit ainsi en ondes concentriques à découvrir les œuvres par touches chromatiques, à pénétrer dans une instance “d’atelier-cerveau” ou à se laisser guider par le son sur les rives du Gange.
“Ce qui sort de là, ce qui émane, irradie, coule, les pénètre, s’infiltre en eux partout, ce qui les emplit, les gonfle, les soulève… fait autour d’eux une sorte de vide où ils flottent, où ils se laissent porter… aucun mot ne peut le décrire… Mais ils n’ont pas besoin de mots, ils n’en veulent pas, ils savent qu’il faut surtout ne laisser aucun mot s’en approcher, y toucher, il faut veiller à ce que les mots choisis avec soin, triés sur le volet, des mots décents, discrets, se placent respectueusement à distance.”
Comme le souligne son titre inspiré d’un livre de Nathalie Sarraute, son œuvre s’y déplie par échos, vibrations et bourdonnements mais aussi par silences et respirations. À l’instar du mouvement de la pensée procédant par bonds et replis, fulgurances et ressassements, Vous les entendez ? ouvre des mondes intérieurs et extérieurs en clair- obscur. Elle invite à prêter attention aussi bien à nos voix intérieures qu’à celles des multitudes d’identités qui nous entourent.
(1) Titre inspiré par un livre de Nathalie Sarraute : Vous les entendez ?, Gallimard, collection folio, Paris, 1972, pp. 11-12.
Commissaire : Yoann Gourmel
Assistante d’exposition : Natacha Marini