Le Poème :
Le jour monte et grandit, retombe sur la ville
Nous avons traversé la nuit sans délivrance
J’entends les autobus et la rumeur subtile
Des échanges sociaux. J’accède à la présence.
Aujourd’hui aura lieu. La surface invisible
Délimitant dans l’air nos êtres de souffrance
Se forme et se durcit à une vitesse terrible ;
Le corps, le corps pourtant, est une appartenance.
Nous avons traversé fatigues et désirs
Sans retrouver le goût des rêves de l’enfance
Il n’y a plus grand-chose au fond de nos sourires,
Nous sommes prisonniers de notre transparence.
Michel Houellebecq
« Le Sens du Combat », 1996
« Toutes nos paroles, tous nos chants, toutes nos langues, sont les traductions imparfaites de nos pensées confuses. Quand l’idée se forme, toujours en deçà de l’intelligence, avant l’élocution ou l’écriture, elle est un champ incertain de sensations, comme un ciel nocturne où des amas d’étoiles indistinctes clignotent. De ce buisson, si la raison et la grammaire parviennent à extraire avec violence une phrase, c’est le poème qui malgré tout réussit à conserver la profusion féconde de l’idée native. Ce sont ces métamorphoses qui font l’exposition, ces transformations qui moirent le sens premier et en dissolvent les frontières. »