La montée en visibilité des pratiques autochtones dans l’art contemporain international est un phénomène majeur de l’histoire de l’art en train de s’écrire, avec le risque, parfois, de devenir une simple étiquette. Les termes « hybridité » et « anthropophagie » (en référence au Manifeste Anthropophage d’Oswald de Andrade publié en 1928) ont ainsi été accolés à « autochtonie » afin d’éviter les assignations identitaires et d’interroger l’invention de pratiques et d’identités variables, déjouant les catégories héritées du colonialisme et permettant de repenser les rapports à la nature, au territoire, aux humains et aux autres qu’humains. En laissant la parole à des chercheurs et des artistes, ce séminaire entend déplacer la focale des questions institutionnelles vers celles des processus créatifs, des identités assignées vers les pratiques par lesquelles l’individu s’auto-désigne et invente ses relations au monde.
En guise de conclusion du séminaire au Palais de Tokyo pour l’année 2021-2022, cette séance propose une déambulation en compagnie du Manifeste Anthropophage et des vêtements rituels du peuple Tupinambá, datant du XVIe siècle et dont les derniers exemplaires sont conservés dans sept institutions en Europe. À partir du Manifeste, Lívia Melzi et Eduardo Jorge de Oliveira revisitent d’autres textes, d’autres personnages, pour tisser un fil reliant le manteau Tupi présent dans les réserves du musée du Quai Branly à des expositions telles que Cartes et Figures de la Terre (Centre Pompidou, 1980), Magiciens de la terre (Grande Halle de la Villette et Centre Pompidou, 1989) et Réclamer la terre (Palais de Tokyo, 2022), tout en considérant les exigences du vocabulaire diplomatique et du langage cosmopolitique. L’enjeu que représente la restitution des gestes dans la création artistique, en dialogue avec les populations autochtones, est au cœur de la discussion, en présentiel et en français.
Co-conception, Morgan Labar (enseignant associé, département ARTS, ENS) et Daria de Beauvais (Senior Curator, Palais de Tokyo). En partenariat avec l’École Normale Supérieure (Paris).