La montée en visibilité des pratiques autochtones dans l’art contemporain international est un phénomène majeur de l’histoire de l’art en train de s’écrire, avec le risque, parfois, de devenir une simple étiquette. Les termes « hybridité » et « anthropophagie » (en référence au « Manifeste Anthropophage » d’Oswald de Andrade) ont ainsi été accolés à « autochtonie » afin d’éviter les assignations identitaires et d’interroger l’invention de pratiques et d’identités variables, déjouant les catégories héritées du colonialisme et permettant de repenser les rapports à la nature, au territoire, aux humains et aux autres qu’humains. En laissant la parole à des chercheurs et des artistes, ce séminaire entend déplacer la focale des questions institutionnelles vers celles des processus créatifs, des identités assignées vers les pratiques par lesquelles l’individu s’auto-désigne et invente ses relations au monde.
Pour cette deuxième séance en relation avec l’exposition Réclamer la terre, le Palais de Tokyo invite Elizabeth A. Povinelli, membre fondateur du Karrabing Film Collective propose de Se tenir ferme dans des mondes effondrés. Le collectif a inventé un cinéma unique et baroque, un savant mélange de satire et de subversion tant politique que juridique pour défendre leur identité, revendiquer leurs droits et la puissance de leur imaginaire dans la région de Mabuluk (Cape Ford) en Australie. Cette présentation juxtapose l’un de ses travaux récent Alice Henry and the Chronicle of the Collapse of the Western Plateau, au dernier moyen métrage du Karrabing Film Collective The Family & the Zombie (2021) présenté dans l’exposition Réclamer la terre. Les deux œuvres dévoilent des futurs ancêtres naviguant dans des mondes toxiques afin d’explorer la survie relationnelle et le statut du récit. Cette intervention est en ligne en langue anglaise.
À sa suite, l’artiste et auteur Brook Andrew présente ngaay girr (voir l’objet). Selon lui, « les objets de désir, d’extrême curiosité et même de perplexité sont souvent emportés, volés et cachés, réécrits et mis en pièces ». Il dit : « Je m’intéresse à la façon dont mon héritage culturel Wiradjuri (Aborigène australien) se reflète dans les musées et à quel point ils existent pour moi maintenant. Trouver de nouvelles façons de se souvenir et de refaire les objets de la culture de mes parents est au cœur de ma pratique. Il s’agit de réparation et de guérison, de renversement du pouvoir, de sauvegarde d’un autre type de girri (avenir). Un avenir qui n’est pas entièrement consumé par le wuba (trou) colonial. » Cette intervention est en présentiel en langue anglaise.
Co-conception Morgan Labar (enseignant associé, département ARTS, ENS) et Daria de Beauvais (Senior Curator, Palais de Tokyo). En partenariat avec l’École Normale Supérieure (Paris).