Myriam Mihindou, Celula, 2014. Captation de performance, théâtre Vila Velha, biennale de Salvador de Bahia, Brésil. Courtesy de l’artiste & galerie Maïa Muller (Paris) © ADAGP, Paris, 2024.

EDITO : FERTILES FANTÔMES

Par Guillaume Désanges

Dans l’accélération de l’actualité, il apparaît essentiel de maintenir des lignes de travail claires, durables, développées dans le temps long, autour de ce qui, dans l’art, nous rassemble : la liberté et la diversité des formes, la puissance transformatrice de la création, de la beauté et de la poésie face aux divisions. Ces perspectives s’articulent autour des liens vivaces entre les artistes et les enjeux de société, mais se nourrissent aussi d’attentions continues à l’écologie, aux nouveaux récits du monde, aux images manquantes de l’histoire et aux fonctions réparatrices de l’art.

Malala Andrialavidrazana, Figures 1883, Reference Map for Business Men, 2019 © Malala Andrialavidrazana

Car s’il est un passionnant vecteur de conscience et d’alerte, l’art est aussi un atelier de transformation, un chantier de construction, un pourvoyeur de solutions. Un espace qui n’est pas seulement réactif mais actif. Une plateforme fertile d’où les artistes racontent d’autres histoires, envisagent d’autres relations et d’autres scénarios pour nous et pour le monde.

Naudline Pierre, Elemental Forces, 2022 © courtesy of the artist and James Cohan, New York

C’est cette fabrique des possibles qui fait particulièrement le lien entre tous les projets de cette riche programmation d’automne 2024. Elle expose une multitude de visions et de voix qui abordent le présent en allant chercher des alliés dans le passé, convoquant ou invoquant des ancestralités vivaces, des fantômes bienveillants, rendant visibles des figures absentes pourtant opérantes. Revisiter l’histoire en l’élargissant, créer des connexions transgénérationnelles, et par cela soigner les liens avec nos environnements immédiats, intimes et collectifs, humains et non humains, familiaux et historiques.  Appréhender des maux lancinants en associant présence, puissance et protection. Apprendre à l’aune de savoirs et de pratiques oubliées ou négligées. Autant d’invitations à agrandir nos regards et les affûter à la fois. Autant d’invitations à voir ailleurs, plus loin, plus profond, plus intense, à travers le sensible, l’évanescent, l’invisible parfois.

Ayant comme toujours à cœur de présenter toute la richesse de l’écosystème de la création d’aujourd’hui, parmi les artistes au programme, un très grand nombre n’a jamais exposé en France ou bénéficié d’une exposition d’une telle ampleur et visibilité que celles offertes ici. Nous en sommes fier·es mais mesurons aussi la chance que nous donne le Palais de Tokyo de pouvoir accueillir cette profusion de talents.

Cette saison se déploie en six expositions ainsi qu’une dense programmation culturelle, des ateliers et des évènements de médiation à destination de tous nos publics, et occupe presque chaque espace du Palais de Tokyo. Il n’en fallait en effet pas moins pour donner corps à cette proposition qui, en mettant en lumière les enseignements du passé pour modeler le présent, s’attèle aux préparatifs pour l’avenir – avenir où les artistes ont planté, à l’occasion de cette saison, les graines de la patience et de l’espoir.

Nous vous invitons à accueillir cet avenir avec nous et vous souhaitons une très bonne visite du Palais de Tokyo.