Comme une alternative à certaines tendances au repli, nos institutions, plus que jamais, doivent pratiquer l’ouverture. Autrement dit, ne plus relever d’un modèle hermétique, aseptisé, réservé, mais au contraire être des lieux à découvert, en relation directe avec leur environnement. Et ceci dans toutes leurs dimensions : perméables aux cultures, aux sujets et histoires variés, aux formes et imaginaires les plus novateurs, aux publics les plus divers, aux questions les plus disruptives… voire aux éléments naturels. Les règles de base de l’architecture nous le rappellent, pour rester saine et durable, toute construction doit respirer, c’est-à-dire créer des échanges permanents avec l’extérieur. Magnifique et édifiant paradoxe : l’ouverture est la meilleure des protections.
Le Palais de Tokyo pour cette saison d’été 2025, s’ouvre littéralement, physiquement autant que symboliquement. À l’occasion de l’exposition Disco de l’artiste Vivian Suter, dont nous présentons quelques 480 peintures réalisées à l’air libre et imprégnées des traces de vie de son jardin, nous ouvrons exceptionnellement la grande verrière à la circulation d’air. Cette manière à la fois logique et inédite de s’adapter aux changements climatiques offre une respiration insolite portée avec enthousiasme et curiosité par toute l’équipe du Palais de Tokyo, consciente de vivre et d’offrir au public une expérience qui peut-être fera jurisprudence. Pendant ce temps, à un autre étage du Palais, Thao Nguyen Phan propose des ouvertures inédites sur l’histoire et la culture de son pays, le Vietnam, notamment dans ses liens avec la France, créant des relations subtiles entre image, littérature, histoire et géographie. La prolongation de la saisissante exposition de Rammellzee continue quant à elle d’ouvrir l’institution à des esthétiques venues d’autres rivages de la création, élargissant le spectre de nos sensations. L’espace hybride de Chalisée Naamani, entre catwalk, salle de sport et zone de méditation résonne aussi d’échos visuels venus du monde, tandis que les écrits de John Giorno sur les vitres de la zone d’accueil forment une interface poétique, politique et colorée entre le bâtiment et ses alentours.
Pour continuer à défendre l’idée d’un art des possibles accessible à tous·tes, il nous appartient, je crois, de libérer nos institutions de toutes les frontières physiques ou symboliques qui font obstacles à l’expérience artistique. Pour ce faire, ouvrir le bâtiment autant que les esprits, faire circuler l’air autant que les idées, changer l’institution pour changer les regards, est un impératif. En bref, être le plus conducteur pour être le plus résistant.