Crédit : Daro Diop

Coloriage

Julien Calemard & Thami Nabil

Depuis son surgissement sur la surface du métro argent new-yorkais des années 1970, le graffiti vibre à la vitesse des wagons dans la crasse de la suie, dans la transpiration de l’illégalité et sa rapidité, dans le mouvement saccadé du corps acrobate et des rails qui ouvrent de nouvelles lignes de fuite.

Scène artistique en constante renaissance, une frange du graffiti collectionne les « systèmes », une passion consistant à vivre des aventures picturales à travers les réseaux ferroviaires du monde entier. Figure de la nouvelle école parisienne, l’artiste Théo Clerc a été arrêté et emprisonné à Bakou (Azerbaïdjan), pour y avoir peint un métro le 31 mars 2024. Français, il a été condamné le 12 septembre 2024 à une peine de trois ans de prison, après trois mois de détention provisoire dans des conditions inquiétantes, tandis que ses deux amis et complices néo-zelandais et australiens ont été libérés et condamnés à une amende pour la même action. Très relayée médiatiquement, l’affaire mobilise aujourd’hui la presse (qui évoque une « prise d’otage diplomatique »), le Quai d’Orsay (qui dénonce un « traitement arbitraire et ouvertement discriminatoire ») et la société civile (une pétition en ligne réunit déjà plus de 30 000 signatures de soutien).

Le Palais de Tokyo invite ses amis Julien Calemard et Thami Nabil pour la réalisation d’une peinture murale permettant de rappeler que la place des artistes n’est pas en prison. Passionnés de dessins underground, des comics des années Crumb, des estampes japonaises ou encore des dessins pour enfants de Claude Ponti, le duo d’amis réalise une fresque inspirée par l’héritage des affiches militantes, par le graphisme des jeux vidéos ou encore de la peinture dite « lowbrow » (pour « bas du front »). La structure du dessin est guidée par les fondations d’une maison imaginaire. Associant des scénettes symboliques,  ils convoquent des couleurs, des imaginaires, des idées, des souvenirs pour protéger Théo Clerc à distance. Représenté en trois actions, de l’amusement à la sentence, Théo Clerc est traversé par un métro imaginaire, fusion des métros rêvés du monde entier, source de ses problèmes actuels. Au-dessus de ses têtes, des auréoles qui rappellent que le graffiti est un jeu aussi sain qu’enfantin, une amitié, un lien collectif, beaucoup de hasard, de (mal)chance et de liberté qui mènent parfois en prison.

 

Curateur : Hugo Vitrani
Assistante curatoriale : Charlotte Frenay
Chargée de production : Maëva Gomez
Régisseur d’exposition : Hugo Lermechin
Technicien audiovisual : Jake McCarthy
Ainsi que les monteuses et monteurs de cette exposition.