RAMMELLZEE est né le 15 décembre 1960 à Far Rockaway (New York), où il meurt le 27 juin 2010. Né sous le nom de Stephen Piccirello, il officialise sa nouvelle identité en 1979.
Alors que le « wild style » s’impose dans le graffiti pour décomposer des langages alternatifs et communautaires, pour donner du flow aux lettres statiques, RAMMELLZEE y voit une renaissance de la pratique des enluminures médiévales permettant à sa génération de reprendre le pouvoir sur les langages corrompus. Dans son traité publié en 1979, à lire comme un manifeste poétique, RAMMELLZEE déploie ses réflexions sur le langage et développe deux théories qui guideront ses recherches. Avec ce qu’il nomme le « Gothic Futurism » et l’« Ikonoklast Panzerism », RAMMELLZEE affirme qu’il est un descendant des moines du Moyen-Âge et se donne pour mission d’armer les lettres pour élaborer un langage métaphysique guerrier, contre les oppressions des mots et des signes. Pour déconstruire le langage, pour détruire les lettres existantes et leurs dominations, il faut en armer d’autres : ainsi l’ornement devient armement.
Au début des années 1980, RAMMELLZEE déploie ses recherches pour complexifier son rapport au monde et manipule désormais le dessin, la peinture, la sculpture, la performance et la musique. Il déjoue les codes virilistes de la scène en développant une identité fluidifiée par un travail de costumes et de manipulation de sa voix avec un vocodeur. Il collabore notamment avec le Rock Steady Crew en tant que Maître de Cérémonie, et développe une intonation nasale, signature vocale qualifiée de « gangsta duck » qui aura une influence certaine sur les Beastie Boys, Cypress Hill ou encore MF Doom. En 1981, il est invité à figurer dans le film Wild Style de Charlie Ahearn. En 1982, il participe au New York City Rap Tour, première tournée mondiale des pionniers du hip hop américain, et passe par Londres et Paris. En 1983, Jean-Michel Basquiat produit son vinyle Beat Bop et signe le visuel de ce projet inspiré notamment par Madonna. A cette époque, RAMMELLZEE bouleverse la scène new yorkaise et inspire sa génération, en témoigne l’un des tableaux les plus célèbres de son ami et concurrent Basquiat, titré Hollywood Africans (1983), figurant les portraits de RAMMELLZEE, Basquiat et Toxic.
Impossible à cerner, RAMMELLZEE s’affirme dans sa complexité et son envie de faire œuvre totale. Il participe à de nombreuses expositions, des États-Unis à Italie en passant par les Pays-Bas, et collabore avec les galeristes Barbara Braathen, Joe La Placa, Yaki Kornblit, Lidia Carrieri, Annina Nosei, Suzanne Geiss et d’autres… Les critiques Edit deAk, Sylvère Lotringer, Greg Tate et Franco Berardi écrivent sur son travail qui ne cesse de se complexifier pour fuir toute transparence et simplification. Une œuvre désormais souvent éclairée en lumière noire aussi politique que poétique.
RAMMELLZEE apparait dans le film Stranger in Paradise de son ami Jim Jarmusch qui était fasciné par sa manière de penser et de créer par écho, en répétitions de gestes, de formes, de matières, de sonorités, de rythmes. Longtemps retiré dans ce qu’il nommait sa « Battlestation », lieu de vie, laboratoire expérimental en retrait et limité d’accès sauf pour les ami·e·s proches et celles et ceux qui lui ramenaient sa boisson favorite (la bière Olde English 800, du nom de la typographie inspirée des manuscrits médiévaux), RAMMELLZEE meurt dans une profonde indifférence du monde de l’art en 2010. Son œuvre a depuis été exposée au Redbull Center à New York, à la galerie Deitch, au MoMA, a été récemment célébrée par le créateur Virgil Abloh et a fait l’objet d’une monographie publiée par Rizzoli.