Ken Sortais et Horfée refusent de transposer leur pratique de rue en intérieur pour ne pas confisquer l’esthétique du graffiti dans un cadre institutionnel. En intérieur, ils font alors basculer leur travail vers de l’installation mixant peinture et sculpture, convoquant leurs gestuelles, leurs postures, leurs tracés proches des films d’animations, leurs craintes. Pour leur intervention au Palais de Tokyo, le duo s’est inspiré du manga underground Violence Jack créé en 1973 par Go Nagai. Célèbre Mangaka japonais, il est l’auteur de plusieurs oeuvres controversées qui ont annoncé le style post apocalyptique dans le monde des films d’animation. Critique de l’éducation japonaise, de l’autorité, violence poussée à l’extrême, vengeance, justice mise à mal, égos surdimensionnés, peur, chaos, folie, décadence de l’homme : une manière de parler de la rue dans l’institution, des guerres d’égos qui existent dans le graffiti, du passage de l’underground à l’officiel.
Horfée et Ken Sortais (nés en 1983) ont secoué la scène du graffiti européen avec des peintures influencées par l’héritage des cultures underground et populaires (comics, films d’animation, tatouage…). Diplômés des Beaux-Arts de Paris, Horfé et Ken Sortais ont développé un travail d’atelier présenté en galeries et institutions, tout en multipliant leurs peintures expérimentales dans l’espace public avec leur collectif PAL (Peace And Love). Ken Sortais est exposé une première fois au Palais de Tokyo en 2011, après avoir été récompensé par le Prix du Salon de Montrouge.
Ken et Horfé ont un travail très inspiré de l’univers des films d’animation et des contraintes de création dans l’illégal : dynamiques, détails en rondeurs, ombrages détaillées, l’idée d’aller à l’essentiel dans les formes, influencé par le “smear” qui tourne l’image vers l’abstraction. Ils s’inspirent de cet interstice visuel entre deux images en mouvement où le sujet est étiré, déformé. On retrouve ces formes dans leur fresque, comme un travelling violent et sexuel, mur peint qui fait face à deux cicatrices gravées dans des plaques noires, qui frappent comme la foudre et finissent en poussière fragile, écho aux projections en fumée des bombes de peintures. Horfé et Ken Sortais expliquent : “L’abstraction est similaire aux raccourcis que l’on utilise dans l’urgence du dessin, dans la panique de ne pas pouvoir finir, de ne pas pouvoir peaufiner. Les contraintes de temps et d’illégalité poussent notre peinture vers un “smear de rue”. La narration de l’image devient abstraite, chaotique, perd son sens premier et cessed’être mainstream.”