Avec ce projet inédit, Franck Scurti prolonge sa promenade dans l’histoire de l’art et les signes du quotidien. Après avoir abordé la crise sociale et économique dans un ensemble de sculptures faisant référence aux Mangeurs de Pomme de Terre de Van Gogh (The Potatoes Eaters, 2018), créé un remake avec des déchets du célèbre Cri D’Edvard Munch (Le Cri, 2011), l’artiste revisite ici le Christ Jaune de Paul Gauguin. Si ces figures intéressent Franck Scurti c’est que, de leurs temps, elles s’évertuèrent à remplacer la froideur positiviste de l’impressionnisme par un humanisme nouveau. Transition que l’artiste trouve salutaire et active dans le contexte actuel.
L’environnement qu’il a produit pour le «Païpe», se conçoit aussi comme un tableau en trois dimensions que le visiteur est invité à arpenter. Il s’organise autour d’un pied de chaise retourné à 90°, aux allures christique. Au sol, sa carcasse démembrée produit une onde de choc qui se répercute sur la totalité de l’espace. Le mur du fond, courbe, sera entièrement tapissé d’un motif sérigraphié produit à partir d’un sac à baguette de pain que l’artiste a trouvé. Ce pattern éminemment connoté – la multiplication des pains – s’estompera progressivement jusqu’à sa quasi disparition.
Alors que le Christ Jaune de Gauguin lui avait été inspiré en 1889 par une sculpture en bois polychrome du XVIIIe siècle de facture populaire qui se trouve dans la nef de la petite chapelle de Trémalo (aux alentours de Pont-Aven), les oeuvres de Franck Scurti sont le fruit d’un travail d’atelier. Elles sont créées à partir de matériaux et de formes trouvées, des choses dépourvues de valeurs, et réévaluées au gré de leurs apparitions.
Bien que très différentes, on remarquera que les mêmes ambiguïtés règnent entre les deux oeuvres. Ambiguïté entre le monde réel et le monde imaginaire, entre un symbole universel et des signes du quotidien, entre des emblèmes régionaux (les « Bretons » chez Gauguin) ou nationaux (le pain).