Le titre de la journée thématique est emprunté à l’ouvrage de Gilbert Ryle qui analyse et déconstruit la dichotomie cartésienne corps/esprit. Il introduit la question du corps telle que présentée dans l’exposition à travers les œuvres de Yuri Ancarani, Christian Boltanski, Abraham Poincheval entre autres artistes.
La journée thématique prend appui sur la conception du corps comme hétérotopie, comme « espace autre » que développe Michel Foucault dans Le Corps Utopique (1966) : Le corps est la première chose qui caractérise l’être humain, il est l’enveloppe que nous habitons chaque jour et que nous ne pouvons pas quitter. Il n’en demeure pas moins un espace autre, que nous ne connaissons que très peu, dont nous savons peu de chose et que la connaissance a du mal à cerner. L’accès à son l’intérieur du corps relève quasiment de la science-fiction et crée, tant dans le domaine médical que dans la culture populaire, une fascination source de nombreux fantasmes.
Il s’agira de parcourir au long de la journée ces fantasmes, d’explorer cette machine que notre esprit habite de façon passagère et de déterminer les images, réelles et imaginaires qui en naissent.
Participants :
14h00
Performance part 1 // François Chaignaud / Cecilia Bengolea – Sylphide
Cecilia Bengolea et François Chaignaud développent à travers Sylphides (2009) un dispositif contraignant: littéralement enfermés « sous vide » dans des sacs en latex, les danseurs évoluent au minimum de leurs fonctions vitales. Ainsi poussés au bord de l’asphyxie, ils évoquent ces êtres immatériels suspendus entre vie et mort, fantasme et réalité, qui ont tant dynamisé la création littéraire et chorégraphique des XVIIIe et XIXe siècles. En posant la question de la matérialité du corps, de la vie après la mort et du rapport que l’on entretient avec les morts et leurs enveloppes corporelles, les sylphides interrogent certains des grands invariants de la pensée occidentale : le dualisme, le temps linéaire, le rationalisme… Entre rite funéraire et amphidromie (fête de la naissance), Sylphides s’annonce comme une tentative littérale de réincarnation. Fidèles au canevas dramaturgique traditionnel, qui mène les sylphides de la léthargie à la renaissance, Cecilia Bengolea et François Chaignaud donnent un exemple raffiné de leur façon d’entrelacer figures antiques, réminiscences étincelantes, et épreuves corporelles proches du body art.
14h30 // Talk :
Yuri Ancarani, Professeur Elisabeth Dion – Da Vinci, the machine in the machine
Modératrice : Chiara Parisi
« Da Vinci » : un nom évocateur de chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art, mais aussi un robot médical manipulé à distance permettant aux chirurgiens de réaliser des opérations. Yuri Ancarani, cinéaste et artiste (né en 1972, vit et travaille à Milan), nous fait avec ce film accéder à l’intérieur d’un corps humain, dans des tonalités de bleu évoquant la « grotta azzura », grotte maritime mythique à Capri. Ici s’observe la danse des machines, signe non pas d’un environnement déshumanisé mais au contraire d’une intelligence humaine au travail.
Une image quasi-documentaire, sans dialogues et se focalisant sur le geste, est le signe distinctif des films de Yuri Ancarani. Sa trilogie sur la notion de travail présente, outre Da Vinci (2012), Il Capo (2010), tourné dans une carrière de marbre à Carrare et Piattaforma Luna (2011), autour d’une plateforme sous-marine en eaux profondes. Ces trois films mettent en avant des métiers extrêmes, dont chaque geste devient chorégraphie et transforme en héros ceux qui les effectuent.
Dans le cadre de la journée The Ghost in the Machine, il sera en conversation de manière inédite, avec le Professeur Elisabeth Dion, Chef du service d’imagerie aux hôpitaux de Paris et Professeur à l’Université Denis Diderot, confrontant ainsi la vision fantasmée de l’artiste à la réalité du bloc opératoire.
15h30 // Performance part 2 // François Chaignaud / Cecilia Bengolea – Sylphide
16h00
Projection // Nathaniel Mellors – Giantbum
Giantbum est un film de l’artiste britannique Nathaniel Mellors faisant partie d’une installation éponyme plus ample constituée de robots androïdes et présentée en 2009 à la Triennale de la Tate.
Le film, composé de deux vidéos de 33 et 29 minutes respectivement, présente l’épopée absurde et hilarante d’explorateurs médiévaux l’intérieur d’un colon humain. Ponctué de jeux de mots potaches, de mauvaises répliques et de blagues scatophiles, il propose une approche distanciée de l’intérieur du corps et met au centre de son approche les tabous qui le constituent, titillant les notions de bon goût et de moralité. Giantbum aurait pu être pu être le remake des 120 journées de Sodome par Samuel Beckett.
Nathaniel Mellors (Né à Dancaster, UK en 1974) vit et travaille entre Amsterdam et Los Angeles. Diplomé du Royal College of Art et de la Ruskin School, Oxford University, son travail est à cheval entre les arts plastiques, l’écriture et la musique. Son travail a été présenté à Performa en 2011, à L’ICA, Londres ou encore à la Biennale de Venise en 2011.
16h30
Projection et talk // Laurent de Sutter – La théorie du Trou
Explorant une banale histoire de voyeurisme dans les toilettes pour femmes d’un café parisien racontée dans le film de Jean Eustache Une Sale histoire, Laurent de Sutter explore une pulsion inconsciente : l’observation compulsive du sexe des femmes, une cavité qui métaphorise la fameuse origine du monde. De Sutter diffusera et commentera des extraits du film d’Eustache.
Laurent de Sutter est un écrivain belge francophone. Il enseigne la théorie du droit à l’université libre de Bruxelles et dirige par ailleurs la collection “Perspectives Critiques” aux Presses universitaires de France.
18h00
Cocktail