Avec cette question, qui est celle que s’est posée l’artiste Dalila Dalléas Bouzar en se rendant dans le Sahara rencontrer des peintures millénaires pour en produire une interprétation personnelle et contemporaine, les philosophes Arlette-Louise Ndakoze et Seloua Luste Boulbina échangent leurs perspectives sur le temps et l’espace, en conversation avec l’artiste.
Arlette-Louise Ndakoze porte son regard sur des sociétés africaines millénaires – dont les philosophies qui découlent de la force vitale – pour questionner les dessins dans les grottes du Tassili à travers la broderie de l’artiste. Le point de départ sera la notion de ce que le philosophe rwandais Alexis Kagame a compris comme « traditions vitales » en les démarquant de la notion « d’histoire » dans les philosophies occidentales dont l’axe de temps suit une trajectoire linéaire artificielle. Qu’est-ce qui, du mouvement de l’artiste Dalila Dalleas Bouzar, nous fait saisir des formes de vies de la grotte, qu’est-ce qui ouvre l’imaginaire à l’intérieur et à l’extérieur de l’image perçue de la broderie ? L’écart qui sépare les vies d’antan et d’aujourd’hui sera mis en valeur comme une possibilité créative à partir de laquelle des formes contemporaines se dessinent concrètement.
Pour Seloua Luste Boulbina, le désert est d’abord, vu d’ici, une notion politique coloniale : une terre sans peuple que les Européens pourraient donc occuper à bon droit. Mais le désert est aussi géographique. Le Sahara, par exemple, occupe un tiers du continent africain, d’est en ouest. Le terme arabe de Sahara, الصحراء, signifie justement désert. Il désigne une vaste étendue de sable et de roche, de plaines et de montagnes. De l’intérieur, ce n’est pas un espace indifférencié mais un ensemble de lieux dont les noms sont, par exemple, Hoggar, Tassili, Tibesti… Loin d’être inhabité – les djinns y résident –, il est l’une des premières régions de peuplement au monde. Les peintures rupestres en sont la trace. Des peuples, nomades ou sédentaires, y vivent qui possèdent leur langue propre : en Algérie, le tamahaq et le tamasheq. Les Touaregs ont, depuis l’Antiquité, une écriture commune. Loin d’être une frontière séparant les « subsahariens » des habitants du nord de l’Afrique, le Sahara est tout au contraire une gigantesque zone de circulation. Pour les haltes, la tente est indispensable (éhen en tamahaq, khaïma en arabe). Le terme renvoie aussi à la famille élargie (la tribu) : selon le rang, on est de grande, ou de petite tente…
Les billets pour cet événement donnent accès aux expositions du Palais. La rencontre aura lieu au sein de l’exposition Vaisseau Infini de Dalila Dalléas Bouzar.
Intervenant.e.s : Arlette-Louise Ndakoze, Seloua Luste Boulbina, Dalila Dalléas Bouzar et François Piron