Dans l’air, les fouets sifflent, claquent et tournoient. Leur mouvement obéit aux balancements à la fois rigoureux et souples des bras de quatre hommes et femmes, dont ils semblent le prolongement. La tradition suisse des Geisslenchlöpfer ou claqueurs de fouet, qui puise aux coutumes païennes des dresseurs et guides d’attelage, a inspiré à la plasticienne Agnès Geoffray une remarquable performance collective, gestuelle et sonore. Peu à peu, à mesure que le souffle continu des fléaux devient cadencé, et que les corps d’abord en cercle s’alignent face au public, un outil de coercition cruel se mue en instrument d’envol rythmique. Traversant la mémoire collective, le geste des interprètes ranime la force incantatoire avec laquelle jadis, dans le canton de Schwyz, on chassait durant les nuits d’hiver les démons et les mauvais esprits à grands coups assourdissants de fléaux. Le plateau devient le lieu d’un rite aussi sobre qu’hypnotique, qui transforme la violence d’antan en transe régénératrice.
Avec : Agnès Geoffray