Le Palais de Tokyo accueille une trentaine d’étudiants de l’école Kourtrajmé (Clichy-sous-Bois / Montfermeil), pour élaborer une exposition capsule, sous forme de workshop, du 29 aout au 11 septembre 2020, qui explore la filiation entre La Haine et Les Misérables.
En 1995, le réalisateur Mathieu Kassovitz et les acteurs Vincent Cassel, Hubert Koundé et Saïd Taghmaoui avaient La Haine face à la stigmatisation des banlieues, face aux violences policières et sociales. Presque 25 ans après, Ladj Ly raconte Les Misérables de notre époque, celle du « capitalisme carcéral ». A la manière du portrait réalisé en 2005 par son complice JR, prenant la pose d’un braqueur, Ladj Ly utilise sa caméra comme une arme pour cibler les rapports d’oppression tout en déjouant les clichés médiatiques. 25 ans, c’est le temps d’une génération. Une génération qui n’a eu de cesse de changer les visages du cinéma français et de questionner le regard que la France nourrit sur les banlieues et sur leurs habitants. Une génération qui a toujours avancé de manière collective, dans l’urgence, avec l’énergie du système D.
Véritable « enfant de la Haine », Ladj Ly a fondé en 2018 l’école Kourtrajmé (du nom du collectif d’artistes fondé en 1994), mettant en place avec JR un enseignement alternatif et gratuit de cinéma et d’art à Clichy-sous-Bois / Montfermeil, communes de Seine-Saint-Denis où se déclenchèrent les révoltes populaires qui secouèrent la France en 2005 à la suite de la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré.
La trentaine d’élèves de l’école invitée au Palais de Tokyo pour créer un pont entre ces deux films cultes propose un ensemble d’oeuvres plastiques et cinématographiques réalisées pour l’exposition. Directement inspirées de scènes de ces films et de situations vécues au quotidien, ces artistes émergents s’attaquent au regard médiatique et politique, interrogent l’appropriation opérée par la mode sur les cultures de rue, rendent hommage aux motards en YZ et sans casques qui pratiquent un rodéo d’un nouveau genre, dénoncent la sous-représentation des femmes dans la société, le machisme et l’homophobie, interpellent le passé colonial de certaines rues de Paris, révèlent l’envers du décor de l’économie parallèle, mais aussi les solidarités qui naissent de ces situations, de ces temps morts passés à l’arrière de voitures ou sur des chaises-pliantes. Dans un Palais de Tokyo qui se fait caisse de résonance des imaginaires et des luttes mais aussi de nouvelles géographies, les oeuvres des élèves de l’école Kourtrajmé rappellent que jusqu’ici tout va bien.
L’école Kourtrajmé : l’ébullition collective, l’urgence et le système D
Créée en 2018 par le réalisateur Ladj Ly, rejoint en 2019 et 2020 par l’artiste JR et l’actrice Ludivine Sagnier, l’école Kourtrajmé offre une formation gratuite aux métiers d’art et de cinéma, à travers ses sections « Cinéma » (réalisation, montage et scénario), « Art et Image », « Acteurs. » Sans limite d’âge ni condition de diplôme, l’école est installée à Clichy-sous-Bois / Montfermeil, communes de la Seine Saint Denis où se déclenchèrent les révoltes populaires qui secouèrent la France en 2005 à la suite de la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré, électrocutés alors qu’ils tentaient de fuir un contrôle de police. L’école déploie désormais son enseignement à Marseille (à partir de septembre 2020) et à Dakar (à partir de janvier 2021), et multiplie les masterclasses internationales (Spike Lee, George Lucas, Kaws, Darren Aronofsky, Sophie Calle, Sara Sadik …).
« Chroniques de Clichy-Montfermeil » : JR et Ladj Ly au Palais de Tokyo en 2017
En 2017, JR et Ladj Ly révélaient une fresque monumentale dressant sur plus de 150 m2 une mosaïque de portraits noir et blanc des habitants de Clichy-Montfermeil (Seine-Saint-Denis). Présentée en avril au Palais de Tokyo, l’oeuvre a ensuite été installée de manière pérenne aux Bosquets (Montfermeil), et inaugurée par le Président de la République.