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Shahryar Nashat

Lauréat du Prix Lafayette 2013
Du 19/10/2014 au 22/11/2014

Les œuvres de Shahryar Nashat (né en 1975, vit et travaille à Berlin) se composent de fragments où s’entrelacent le baroque, l’humour, la sensualité et l’insolence. Ses installations dans lesquelles la vidéo occupe une place prépondérante, associent photographie, sculpture, mobilier, et questionnent souvent le magnétisme de l’objet d’art, mettant en jeu une équivalence entre les objets et les corps. Leur présence dans un espace est toujours pour l’artiste un sujet d’étonnement, de fascination et de désir : un équilibriste se tenant sur une main dans les salles Rubens du musée du Louvre, des flacons de parfum pour homme à l’essai dans un grand magasin, ou encore une gigantesque plaque de béton coulée dans une usine de Berlin et affinée par un ouvrier qui pourrait être le sosie de Glenn Gould. L’artiste entre volontiers dans un rapport d’intimité avec l’objet d’art, utilisant parfois les oeuvres d’autres artistes. Une vidéo montre les techniciens en gants blancs du Kunstmuseum de Bâle déplaçant une statue, un cycliste de bronze de Karl Geiser. La caméra cadre le toucher involontairement sensuel de leurs gestes.

Depuis plusieurs années, Shahryar Nashat met en scène des formes génériques, cubes et polygones verts qui symbolisent la puissance totémique de l’art, dans ses relations à l’espace muséal et à la performance. Dans la scénographie qu’il a créée pour Parade – réinterprétation par le chorégraphe Adam Linder c du ballet conçu en 1917 par Jean Cocteau sur une musique d’Erik Satie – , et dans le film qui en est le prolongement, il explore avec humour la relation entre les postures des corps et la présence envahissante de l’objet. Pour l’exposition du lauréat du Prix Lafayette 2013 au Palais de Tokyo, Shahryar Nashat propose une mise en espace autour de son film Hustle in Hand (2014), dans lequel on assiste aux tractations secrètes entre des personnages dont on ne voit que les torses. Argent, nourriture, apparence, consommation, le spectateur est entraîné dans une ronde de transactions, comme une rumination de notre société où l’art occupe une place convoitée. Le rythme du film est soudain rompu par l’apparition d’un polyèdre vert qui, une fois léché par un des mystérieux protagonistes, devient jaune d’or, une magie accompagnée par une montée appuyée de violons.

Comme souvent dans les vidéos de Shahryar Neshat, la musique, le son, la parole nous prennent par surprise. Présenté dans une vitrine de musée, près d’une toile camouflage de Warhol, l’objet se met à parler en voix off, exige d’être le centre d’attention exclusif et manifeste sa satisfaction par un rire forcé et arrogant. Une autre scène du film présente un homme qui montre une égratignure sur son bras. La blessure, le corps vulnérable, la mise à l’épreuve du désir par le dégoût sont des sujets récurrents de l’oeuvre de Shahryar Nashat. Trois vidéos (Todd’s Injury, Delphine’s Injury et Joseph’s Injury, 2013) donnent à voir d’autres blessures, celles des danseurs dont les meurtrissures sont souvent le prix de la grâce. Hustle in Hand est comme perturbée par des images subliminales incommodant le regard, qui mettent en crise notre crédulité consentie, notre nécessaire candeur, et laissent supposer une narration parallèle dont seul notre inconscient serait pénétré. L’espace de l’installation, avec plusieurs sculptures de verre et de marbre, présente une multitude de visions entre lesquelles le regard circule, laissant notre imaginaire à ces ambivalences mesurées, drôles et inquiètes.

Commissaire : François Quintin

Depuis 2009, le groupe Galeries Lafayette, partenaire officiel de la FIAC, offre une vitrine à la scène artistique émergente, à travers l’organisation du Secteur Lafayette. Présent au coeur de la foire, ce programme ambitieux accorde à dix galeries sélectionnées pour la qualité de leur programmation prospective un soutien financier leur permettant de présenter le travail des artistes qu’elles défendent. De 2009 à 2013, le Prix Lafayette a récompensé, parmi les artistes présentés, un talent émergent par l’acquisition d’une oeuvre et une dotation soutenant une nouvelle production présentée au Palais de Tokyo l’année suivante. Le Palais de Tokyo, le groupe Galeries Lafayette et la FIAC ont ainsi offert une visibilité unique aux travaux de Carol Bove, de Morag Keil, d’Helen Marten, Michaela Eichwald et aujourd’hui à ceux de Sharyar Nashat.

Cette exposition est organisée dans le cadre du Prix Lafayette 2013, avec le soutien du Groupe Galeries Lafayette.